MARTYRS DE CHALCÉDOINE - Augustin Sokolovski

Le dernier jour de juin, si on suit le calendrier julien, l'Église honore la mémoire des martyrs Manuel, Sabel et Ismaël. On les appelle les Martyrs de Chalcédoine, car ils ont souffert dans la région située sur la rive asiatique du Bosphore, face à Constantinople, autrefois une ville distincte et portant le nom de Chalcédoine. On les appelait aussi les Grands Martyrs. Ce nom était donné aux chrétiens de haute origine, dont le témoignage de foi, aux yeux des disciples du Christ, généralement simples, pauvres et inconnus, était remarquable.

Les noms de ces saints sont d'origine sémitique, probablement arabe. Ils étaient ambassadeurs du Shah de Perse, ou d'un souverain arabe, et furent envoyés pour négocier la paix ou conclure une alliance avec l'Empire romain. Apparemment, le souverain qui les envoya ignorait qu'à cette époque, à Constantinople, sous le règne de Julien l'Apostat, une révolution religieuse avait éclaté et que le paganisme était redevenu la religion de l'empereur. Julien a organisé une fête à Chalcédoine et a exigé que les ambassadeurs y participent.

Devant leur refus de participer à la cérémonie païenne, Julien a décidé de discuter avec eux de religion. Ils ont refusé, car ils étaient venus non pas pour des débats théologiques, mais pour des raisons politiques. Cela a provoqué la colère du souverain et les saints ont été tués. Julien était animé non seulement par sa religiosité païenne, mais aussi par l'arrogance, car les Romains croyaient que le meurtre des Arabes n'aurait aucun effet.

En fait, cette cruauté a servi de prétexte au déclenchement de la guerre entre la Perse et Rome, au cours de laquelle Julien a été tué. La tradition païenne imputait aux chrétiens la mort de leur empereur.

Les saints martyrs Manuel, Sabel et Ismaël étaient vénérés à Byzance. Mais en les honorant, leurs contemporains et leurs descendants, semble-t-il, n'ont pas tiré les leçons appropriées de leur vie et de leur mort.

Premièrement, religion et politique ne doivent pas être confondues. La religion est la capacité et le devoir de séparer le divin de l'humain, le sacré du profane. Deuxièmement, chaque vie humaine doit être traitée avec respect. En Christ, selon l'apôtre Paul, il n'y a ni Grec ni Juif. La vie est synonyme d’appréhension sacrée.

Les saints ont souffert pour le Christ vers 363. Deux siècles et demi plus tard, les empires romain et perse étaient de nouveau en guerre, qui s'est avéré être le dernier de l'histoire (602-628). Lorsque les deux puissances s'épuisèrent mutuellement et que Byzance finit par triompher, les Arabes de la péninsule Arabique déclenchèrent leur propre guerre.

Les Romains, c'est-à-dire les Byzantins, traitaient alors tous les étrangers avec mépris, comme au temps des trois saints martyrs. Ils s'attendaient à un danger venant des grandes nations, mais pas de celles qu'ils négligeaient.

Si au IVe siècle, une grande partie des tribus arabes étaient chrétiennes, dès le début du VIIe siècle, ils répandirent l'islam. Les armées byzantines furent rapidement vaincues, et la Syrie, la Palestine, la Mésopotamie, l'Égypte et l'Afrique du Nord furent définitivement conquises par les armées arabes et cessèrent à jamais d’être sous pouvoir orthodoxe chrétien. La tragique déchristianisation mondiale a commencé. Telle est la dimension prophétique de la célébration en l'honneur des martyrs Manuel, Sabel et Ismaël.